top of page

La représentation de la masculinité dans l'œuvre littéraire

Les Mots de Jean-Paul Sartre.

Par: Alejandro Morales

Juan Miguel Ochoa

Verónica Osorio

Laura Vargas

Juan Miguel : Bonjour à tous et à toutes, je suis Juan Miguel et je vais me permettre de vous accueillir à notre table ronde. Soyez les bienvenus. Aujourd'hui nous allons parler de la représentation de la masculinité dans le livre “Les Mots” de l’écrivain français Jean-Paul Sartre.

 

"Les Mots" est une autobiographie écrite par Jean-Paul Sartre, célèbre philosophe, écrivain et intellectuel français, publiée en 1964. L'ouvrage retrace son enfance et sa jeunesse jusqu'à l'âge de onze ans. Sartre y explore les éléments clés de sa formation intellectuelle et les influences qui ont façonné son identité, mettant en lumière son environnement familial, ses relations et l'impact de la société sur sa vie.

image.png

Jean-Paul Sartre (1905-1980) était un philosophe, écrivain, dramaturge et critique littéraire français. Il est considéré comme l'un des penseurs majeurs de l'existentialisme et de la philosophie contemporaine. Ses œuvres les plus célèbres incluent "L'Être et le Néant", "Huis Clos" et "La Nausée". Sartre était également engagé politiquement et socialement, défendant des idées marxistes et jouant un rôle actif dans les mouvements politiques de son époque. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1964, bien qu'il l'ait refusé.

image.png

Pour cette discussion, nous avons 3 participants. Nous comptons sur la présence de Alejandro Morales, Verónica Osorio et Laura Vargas.

 

L’objectif de cette table ronde est d’analyser la représentation de la masculinité dans le livre, et faire une comparaison avec le concept de masculinité dans la société actuelle.

 

La première question est la suivante :

1- En quoi les relations entre le jeune Sartre et son grand-père, Charles Schweitzer, mettent en lumière des aspects particuliers de la masculinité dans le contexte du livre ?

 

Didier A : Dans le cadre de l'histoire relatée dans le livre, les relations entre le jeune Jean-Paul Sartre et son grand-père, Charles Schweitzer, mettent en évidence plusieurs aspects liés à la masculinité et à la transmission des valeurs masculines. Voici quelques éléments saillants à considérer :

 

Tout d'abord, il convient de noter que le grand-père de Sartre, Charles Schweitzer, éprouvait une grande fierté à l'égard de la longévité de sa lignée familiale. Il ne pouvait supporter l'idée que son gendre disparaisse prématurément, ce qui souligne l'importance qu'il accordait à la continuité de la lignée masculine et à la transmission des valeurs de génération en génération. Ainsi, à la Page 15, Sartre nous dit : "mon grand-père, justement fier de la longévité Schweitzer, n'admettait pas qu'on disparût à trente ans".

 

 

De plus, il était évident que le grand-père de Sartre avait des attentes bien précises concernant les devoirs masculins. Il considérait que son gendre avait manqué à ses responsabilités en quittant ce monde prématurément. Cette observation suggère qu'il existait des attentes et des responsabilités spécifiques associées à la masculinité, notamment celle de veiller sur sa famille et de remplir ses devoirs en tant qu'homme. À la page 7, Jean-Paul signale : "il y aurait un pasteur dans la famille, ce serait Charles".

 

 

En outre, il est intéressant de noter que Charles Schweitzer, le grand-père de Sartre, avait des aspirations particulières en ce qui concerne la vocation de son fils. Il désirait ardemment que ce dernier suive la tradition familiale en devenant pasteur, tout comme lui-même et son propre père l'avaient fait. Cette situation met en lumière la pression exercée sur les hommes pour embrasser une vocation spécifique et perpétuer les traditions familiales.

 

Enfin, malgré sa décision de devenir enseignant plutôt que pasteur, Charles Schweitzer conservait un désir profond d'atteindre la grandeur et de créer des moments sublimes, même à partir d'événements modestes. Cette aspiration souligne l'ambition que ressentent souvent les hommes, celle d'accomplir des choses grandioses et de laisser leur empreinte dans le monde, même en dehors des rôles traditionnels qui leur sont assignés.

 

Ainsi, à travers les relations entre Jean-Paul Sartre et son grand-père Charles Schweitzer, nous pouvons discerner comment la masculinité est influencée par l'héritage familial, les attentes sociales, les devoirs et les aspirations à la grandeur, illustrant ainsi la complexité de la construction de l'identité masculine.

 

Vero : La figure masculine la plus forte dans la première partie du livre est le grand-père de Sartre, il est sa figure paternelle et sa plus grande source d'inspiration. Cependant, nous devons mentionner l'influence que son père a eu sur sa croissance et sur son processus de recherche de sa place dans le monde.

 

Il existe un autre fragment dans lequel Sartre exprime son désaccord sur la place qu'il occupe dans le monde. Pour être plus précise, Sartre dit qu'il n'a pas sa place dans le monde et que c'est la faute de son père, car son père n'a pas défini son avenir avant sa mort, et c'était au petit Sartre de définir son chemin.

Par exemple, à la page 74, l'auteur parle des aspects de son père qui font partie de sa personnalité. Il nous dit :

 

"Un père m'eût lesté de quelques obstinations durables ; faisant de ses humeurs mes principes, de son ignorance mon savoir, de ses rancœurs mon orgueil, de ses manies ma loi, il m'eût habité ; ce respectable locataire m'eût donné du respect pour moi-même."

 

De cette citation, nous pouvons remarquer que le grand-père de Sartre n'est pas le seul à avoir une forte influence sur ses idées et sa façon d'être.

L’homme que Sartre était en train de devenir était un mélange de tous les hommes avec lesquels il s’entourait et auxquels il aspirait ressembler.

 

Laura : La relation de Jean Paul Sartre avec son grand-père a fortement influencé le développement de son être et la manière dont il s'est rapporté à son environnement, en particulier lorsqu'il était enfant.

 

Le garçon considérait les déclarations de son grand-père comme des vérités absolues, il considérait l'homme comme supérieur ou comme une figure d'autorité, tandis que sa mère et sa grand-mère étaient considérées comme ses égales, mais nous en reparlerons plus tard.

On peut voir un exemple de ce que je viens de mentionner, à la page 27 quand il dit :

​

"Je trouve qu'ils ont l'air bête et je n'aime pas les toucher mais je m'y force : c'est une épreuve ; et puis il faut qu'ils m'aiment : cet amour embellira leur vie. Je sais qu'ils manquent du nécessaire et il me plaît d'être leur superflu. D'ailleurs, quelle que soit leur misère, ils ne souffriront jamais autant que mon grand-père : quand il était petit, il se levait avant l'aube et s'habillait dans le noir ; l'hiver, pour se laver, il fallait briser la glace dans le pot à eau. Heureusement, les choses se sont arrangées depuis…"

 

Aussi, un peu plus tôt sur la même page, nous pouvons trouver cette phrase :

"Dans ce monde en ordre il y a des pauvres. Il y a aussi des moutons à cinq pattes, des sœurs siamoises, des accidents de chemin de fer : ces anomalies ne sont la faute de personne. Les bons pauvres ne savent pas que leur office est d'exercer notre générosité"

 

Il est évident que ces croyances, profondément enracinées chez l'enfant, sont le résultat de l'influence des gens qui l'entourent, et le livre précise à plusieurs reprises que le personnage le plus influent dans la vie de Sartre est cette figure masculine et autoritaire, son grand-père !

 

 

2- Selon le livre, pourrions-nous dire que l'auteur s'inspire davantage de la figure masculine ou de la figure féminine ?

 

Didier A : Dans les pages lues, l'auteur puise principalement son inspiration dans des figures masculines qui occupent une place centrale dans son récit. Il évoque son père, son grand-père, son frère, et se décrit lui-même en tant que fils. Parmi ces hommes, il mentionne Jean-Baptiste, de plus, il fait allusion à Charles, qui est le mari de Louise.

 

Cependant, il est important de noter que le récit ne se limite pas exclusivement à ces figures masculines. Des personnages féminins jouent également un rôle significatif dans l'histoire. L'auteur fait référence à sa mère, à sa grand-mère et à une jeune fille avec qui il partage sa chambre. Pour illustrer ce que je viens de dire, à la page 16, Sartre mentionne : "Il a aimé, pourtant, il a voulu vivre, il s'est vu mourir ; cela suffit pour faire tout un homme."

 

Il semble que ces différentes figures masculines et féminines contribuent à la complexité de l'histoire, chacune apportant sa propre perspective et son impact sur le récit. Par le biais de ces personnages, l'auteur explore diverses dynamiques familiales et sociales, créant ainsi une trame narrative riche et nuancée.

 

Vero : Dans le livre, la figure féminine est très peu valorisée, les femmes occupent des rôles très peu importants dans l'histoire que l'auteur nous raconte. Même lorsqu'il décrit les activités menées par les femmes, il en minimise l'importance et le fait de manière très banale. Un exemple clair est sa mère, qu'il présente toujours comme une victime, une femme délicate, dont le seul rôle est maternel, et il ne la développe à aucun moment de la même manière qu'il le fait avec des figures comme son grand-père.

 

Pour illustrer ceci, je citerai un extrait où l'auteur dévalue des activités qu'il considère comme "plaisirs pour enfants" et choisit de les remplacer par des activités masculines. L'extrait est pris de la page 67 et dit ce qui suit :  

 

"Il y avait des joies simples, triviales : courir, sauter, manger des gâteaux, embrasser la peau douce et parfumée de ma mère ; mais j'attachais plus de prix aux plaisirs studieux et mêlés que j'éprouvais dans la compagnie des hommes mûrs : la répulsion qu'ils m'inspiraient faisait partie de leur prestige : je confondais le dégoût avec l'esprit de sérieux."

 

Avec ceci, je ne prétends pas dire que toutes les figures masculines du livre inspirent Sartre, mais il est à noter qu'il existe une grande différence entre sa perception des femmes et des hommes qui l'entourent.

​

Laura : Le livre mentionne souvent ces personnages masculins qui ont marqué la vie de Jean-Paul Sartre. Les personnages féminins ne semblent pas être aussi centraux. J’ai déjà mentionné que Sartre quand il était enfant voyait sa grand-mère et sa mère comme égales. Sa mère, il la voit comme une femme délicate et lui-même dit ne pas se sentir comme une figure d’autorité pour lui.

 

D’un autre côté, sa grand-mère, bien qu’il l’aime, ressent aussi une sorte de ressentiment ou de dégoût pour elle. Par exemple, à la page 29, il parle de sa relation avec sa grand-mère.

 

"Je lui répondais, elle exigeait des excuses ; sûr d’être soutenu, je refusais d’en faire. Mon grand-père saisissait au bond l’occasion de montrer sa faiblesse : il prendre mon Parti contre sa femme qui se levait, outragée, pour aller s’infirmière dans sa chambre. (...) Je jouissais de mon pouvoir : j’étais saint Michel et j’avais terrassé l’Esprit Malin."

 

Je n’essaie pas de dire que Sartre n’a pas été inspiré ou influencé par les femmes dans sa vie, mais la grande différence qui existe entre la façon dont il se souvient et s’adresse à ses figures féminines et masculines est indéniable.

 

 

3- Comment les expériences et les réflexions de Jean-Paul Sartre sur la masculinité dans "Les Mots" reflètent les transformations de la masculinité en France, notamment en ce qui concerne la notion de liberté et de responsabilité masculine ?

​

Didier A : Dans "Les Mots", Jean-Paul Sartre ne se penche pas spécifiquement sur le sujet de la masculinité en tant que tel. Son récit autobiographique se concentre davantage sur son enfance, sa relation avec sa famille et son développement en tant qu'écrivain.

 

Les extraits cités du livre mettent en lumière des aspects de l'autorité familiale, des relations familiales complexes, et des expériences personnelles, mais ils ne se fixent pas sur des réflexions sur la masculinité en tant que concept général. Par exemple, Sartre évoque l'autorité paternelle et comment son père transmettait les pressions qu'il subissait, mais cela reste ancré dans son expérience personnelle plutôt que dans une analyse plus large de la masculinité. De même, il mentionne la relation difficile entre son beau-père et sa mère, mais cela concerne principalement les dynamiques familiales particulières. – Ainsi, à la page 17, Sartre nous partage ce qui suit :

 "Commander, obéir, c'est tout un. Le plus autoritaire commande au nom d'un autre, d'un parasite sacré — son père —, transmet les abstraites violences qu'il subit. De ma vie je n'ai donné d'ordre sans rire, sans faire rire ; c'est que je ne suis pas rongé par le chancre du pouvoir : on ne m'a pas appris l'obéissance. "  

 

Ainsi, bien que le livre de Sartre soit riche en observations et en réflexions sur sa propre vie et son développement en tant qu'individu, il ne constitue pas une exploration approfondie de la masculinité en soi ni de ses implications sociétales plus larges.

 

Laura : Je suis d'accord que le livre ne porte pas spécifiquement sur la masculinité. Mais en parlant de ses expériences personnelles et de ses relations familiales, nous pouvons voir des modèles de comportement et de pensées de l’époque et de l’environnement dans lesquels l’auteur a évolué.

 

Ayant tant de figures masculines importantes dans sa vie, tout au long du texte on pouvait voir dans une certaine mesure quelles étaient ces caractéristiques masculines proéminentes de l’époque marquées par des stéréotypes faisant de chaque genre une évidente position d’autorité de la part de la figure masculine.

 

Un exemple de ces stéréotypes peut être vu à la page 35 :

"Louise avait un petit rire ; elle appelait sa fille, pointait du doigt sur une ligne et les deux femmes échangeaient un regard complice. Pourtant, je n'aimais pas ces brochures trop distinguées ; c'étaient des intruses et mon grand-père ne cachait pas qu'elles faisaient l'objet d'un culte mineur, exclusivement féminin."

 Donc, même si nous ne pouvons pas dire que c’est une représentation absolue, nous pourrions affirmer que certainement, c’est un petit aperçu de la masculinité de l’époque.

 

Vero : Je considère que le livre ne fait pas une réflexion explicite sur la masculinité, mais plutôt un récit du parcours de l'auteur à la recherche de son authenticité personnelle. Et ici sont impliqués de nombreux thèmes, par exemple ses aspirations à s'identifier en tant qu'un grand homme, tout comme ceux qu'il aime avoir autour de lui.

 

Un exemple que j'aimerais citer pour appuyer ce point et qui se trouve à la page … est le suivant :

 

"Il y a quelques jours, au restaurant, le fils du patron, un petit garçon de sept ans, criait à la caissière : « Quand mon père n'est pas là, c'est moi le Maître. » Voilà un homme ! A son âge, je n'étais maître de personne et rien ne m'appartenait".

 

Dans ce passage, il parle d'autres enfants qui, dès leur plus jeune âge, trouvent leur place dans le monde et savent qu'ils hériteront de la fortune ou du travail de leurs parents. On y voit également les contradictions et les dilemmes émotionnels auxquels est confronté Sartre tandis qu'il tente de s'intégrer dans la société.

 

Malgré son jeune âge, Sartre souhaite devenir un grand homme. À mon avis, cela est aussi dû à une pression sociale liée à l'environnement dans lequel il vit et aux attentes imposées aux hommes à cette époque. Quelque chose que je voudrais souligner est que la masculinité de Sartre est héritée et apprise. Cette situation se retrouve dans toutes les cultures, où les enfants sont contraints de répondre aux stéréotypes imposés par la société et leur famille. Parmi ces stéréotypes, des rôles leur sont assignés, auxquels ils sont obligés de se conformer, et qui deviennent leur unique aspiration, ce qui les prive de la liberté de choisir leur chemin et leur mode de vie.

 

Juan Miguel : Merci de vos réponses, après tout ce que les participants viennent de présenter, on peut dire que la relation entre Jean-Paul Sartre et son grand-père met en lumière une représentation traditionnelle de la masculinité. Son grand-père incarne l'autorité, la réussite et la nécessité de prouver sa valeur en tant qu'homme dans une société où la réussite était souvent associée à des attributs masculins tels que la force, le pouvoir et la réussite professionnelle.

 

L'inspiration de Sartre envers d'autres figures masculines, telles que des écrivains et intellectuels, reflète également l'idée que la masculinité est liée à l'intellect, à la créativité et à la capacité de laisser une empreinte durable dans le monde.

 

L'évolution de la masculinité moderne met en avant des valeurs telles que l'empathie, l'égalité des genres, l'ouverture d'esprit et la compréhension des différentes identités masculines. Les hommes sont encouragés à être authentiques, à rechercher l'équilibre entre leur côté sensible et leur force intérieure, et à être des alliés dans la lutte contre les discriminations basées sur le genre.

 

En conclusion, l'exploration de la représentation de la masculinité à travers les relations de Jean-Paul Sartre dans "Les Mots" met en lumière la dynamique changeante de la masculinité au fil du temps. Alors que l'époque de Sartre était marquée par des normes masculines traditionnelles et rigides, notre ère moderne cherche à déconstruire ces stéréotypes et à encourager une vision plus inclusive et diversifiée de la masculinité.

WikiLangue

Français III : Langue et Culture

Université de Antioquia

École de Langues

2023

bottom of page